par Jacques Puisais
ENFIN !
La reconnaissance politique par BRUXELLES de la place de la GASTRONOMIE dans notre société
Une résolution du Parlement européen (2013/2181 (INI) a été adoptée le 12 mars 2014 avec 530 voix pour 74 contre et 14 abstentions.
Le texte de 7 pages est complet, demandant, entre autres aux Etats membres « d’intégrer à l’Education scolaire et dés l’enfance l’étude et l’expérience sensorielle de l’alimentation, la santé dans le domaine nutritionnel et les habitudes alimentaires y compris les aspects historiques et géographiques »...... et d’interdire la publicité pour des aliments à l’école.
Cela me réjouit, me renvoyant 40 ans en arrière.
En 1964 le Professeur TERROINE organisait à Paris un colloque sur les propriétés organoleptiques de nos aliments.
Après ce séminaire, rentrant dans mon Laboratoire d’Analyses de Tours je mis au point une méthode d’examen sensoriel des aliments permettant complémentairement aux analyses chimiques et microbiologiques de donner une valeur globale à notre alimentation, c’est à dire à partir de leurs trois propriétés nutritionnelles, hygiéniques et organoleptiques. C’est ainsi que je mesurais la finalité d’un aliment : nourrir le corps de l’homme mais aussi alimenter son cerveau, seule source de la mémoire sensorielle.
Il fallait former le consommateur sur ce qu’il destinait à son alimentation et l’apprendre à goûter.
La méthode était appliquée au Laboratoire. Aussi dés 1971 les premiers séminaires étaient organisés et une première classe C M² était retenue pour commencer l’éveil du goût chez l’enfant. Tout suivi pour en 1973 créer un Conservatoire du Goût qui en 1976 vit la création de l’Institut français du Goût , le 4 mars avec une poignée d’hommes qui m’entouraient :
- Charles COMBESCOT doyen de la Faculté de sciences pharmaceutiques de l’Université François Rabelais à Tours
- Jean-Pierre CORBEAU Maître Assistant de l’Université François Rabelais à Tours
- Jean DUVIGNAUD Directeur du Laboratoire de Sociologie de la connaissance, de l’Université F. Rabelais de Tours
- André GOUAZE Doyen de la Faculté de Médecine de l’Université F. Rabelais à Tours
- Jean LUTHIER Directeur de l’I U T de l’Université F. Rabelais de Tours
et Alfred MAME Editeur qui eut une part très active à cet Institut.
Vinrent nous rejoindre au comité scientifique
- Jean-Paul ARON Directeur d’Etudes, Ecole des hautes études en sciences sociales
- Jacques BARRAU Professeur du Museum national d’Histoire naturelle
- P. AIMEZ Professeur agrégé, Maître de Conférences – Paris
- Matty CHIVA Professeur Université Paris X
- Claude FISCHLER Chargé de recherches au C N R S
- M. LEROUX Professeur agrégé Faculté de médecine de Tours
- A. ROUGEREAU Laboratoire de Physiologie et de Nutrition, Université F. Rabelais
L’objet de l’Institut Français du Goût était le suivant :
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le développement des recherches dans le domine de la sensibilité alimentaire et la mise en valeur du patrimoine français en cette matière
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l’analyse de la fonction gustative et celle de ses relations avec l’école
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Toutes informations relatives à l’intervention du Goût dans l’appréciation des produits quels qu’ils soient – alimentaires ou autres
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Toutes enquêtes sur les conséquences socio-économiques résultant de l’évolution du Goût
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Toutes recherches sur le Goût au niveau de la connaissance socio culturelle et sur ses traditions
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L’éducation au Goût
L’Institut français du Goût apporta sa contribution autour de colloques ;
1976 - Colloque fondateur : « les facteurs divers influant le Goût – les relations du Goût et de la consommation – les relations du Goût avec le milieu
1977 - Les cheminements du Goût du stimulus au symbole
1978 - Métamorphoses de l’alimentation et Fantasmes du Goût
1979 - L’écologie du Goût
1980 - Le goût chez l’enfant
1981 - Le Goût alimentaire demain ; autonomie ou homogénéisation
1983 - La fermentation et le Goût - le vivant comestible
1984 - Le Goût du beurre
1986 - Le pain partagé
Evidemment l’Education au goût chez l’enfant à l’école selon la méthode en 10 leçons que j’ai publié fut une priorité avec la formation d’éducateurs spécialisés et d’enseignants.
Un moment fort fut la remise en 1989 aux élèves de 10 classes d’écoles primaires de Paris du Diplôme de l’Institut français du Goût dans le grand salon de la Sorbonne en présence du Recteur de Paris.
A ce moment là j’ai saisi qu’il n’y aurait pas de retour en arrière.
Si la création du Centre Européen du Goût prévu à Amboise puis à Blois montrant que deux hommes politiques m’ont soutenu dans cette action ; Michel DEBRE puis Jack LANG n’a pu se concrétiser, si la création « les images du Goût » au Futuroscope de Poitiers en 1999, outils pédagogiques populaires d’avant garde associés à des colloques s’est interrompue à la suite d’un changement des propriétaires agueusiques, « colonisés » par une technicité galopante, si.......
Malgré tout l’Institut du Goût avec son Président MAC LEOD, moi-même et notre dévouée et talentueuse directrice Nathalie POLITZER continue de maintenir le cap du Goût donc de la Gastronomie, car la Gastronomie n’existe que par le Goût pris dans la dimension poly sensorielle des choses à condition qu’elles soient goûtées avant d’être avalées pour que chacun puisse en retirer un plaisir qui ne sera jamais revécu, comme je l’ai toujours dit, mais dont le souvenir prépare aux instants de table, c’est à dire aux repas à venir – c’est cela la culture, expliquant pourquoi j’ai toujours mis en avant l’éducation au goût des enfants qui reprend forme grâce à la politique du Ministère de l’Agriculture qui, devant cette résolution de Bruxelles possède maintenant des éléments pour développer en priorité une agriculture au service d’une alimentation de saison et de région.
J’ai encore eu la preuve de ce besoin ces derniers jours en me rendant dans un collège à Beaucaire dans le cadre des actions de « Terroirs et Cultures » où je suis intervenu dans deux classes de 6ème puis une terminale pour voir à quel point les enfants attendent des adultes d’être informés sur leur « corps gustatif », comment par leurs 5 sens ils sont en relation avec les aliments et la chaîne humaine agricole puis artisanale (dans quelques cas industrielle pour des fournitures de matières premières) qui les préparent pour leur offrir les bontés de cette terre.
Et puis aujourd’hui je signe une attestation comme formateur à une journée où je suis intervenu, organisée par la D R A A F donc le Ministère de l’Agriculture, responsable Nathalie COLIN, Eric GUERINI chargé de mission Art du Goût à la D A A C du rectorat de Montpellier- des gens mobilisés qui rassemblent Agriculture et Alimentation.
Je peux dire, 38 ans après la création de l’Institut Français du Goût « OUI ! le goût n’est pas mort » et que, à l’époque ce noyau pluridisciplinaire d’hommes n’avait pas eu tort de rassembler leurs connaissances sur ce sujet.
Il y a aujourd’hui en France, dans des pays scandinaves, au Japon des gens qui ont appris à appliquer ces notions selon les principes établis par l’Institut Français du Goût (plus de 100 000 enfants ont été formés) – ce sont des levains au service de l’Humanité.
Reste au monde politique de savoir retrouver ces levains pour continuer à transmettre les attitudes alimentaires de nos sociétés, cet impalpable, cet immatériel, véritable patrimoine comme l’a reconnu l’U N E S C O qui ne se vend pas mais qui se vit.
Projet de rapport du Parlement Européen sur le patrimoine gastronomique :
cliquer sur le lien ci-dessous
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